Mes petits loulous,
Je me remets de mes émotions récentes, mais comme je voyage beaucoup pour mon boulot en ce moment (si vous voulez baver vous pouvez aller voir mon compte Instagram qui me sert d’album photo voyages), je n’ai pas eu le temps de vous faire les vidéos promises. En revanche je peux plus facilement écrire un article entre deux réunions et un avion en retard, donc j’ai décidé de reprendre le blog plutôt par écrit en attendant plus de temps libre.
Et j’avais envie de vous parler de Danielle Mérian.
Hein ? Qui ça ?
Je suis sûre que vous l’avez tous vue à la télé juste après les attentats du 13 novembre à Paris. Elle est passée sur toutes les chaînes de télé, a délivré un message de tolérance et de fraternité, a parlé du livre « Paris est une fête », que Gallimard a vendu à 180 000 exemplaires les mois suivants après ses 28 secondes à l’antenne de BFM TV. Oui, en 28 secondes, Danielle Mérian est devenue une icône et pas juste à cause de la joie du monde de l’édition !
Danielle Mérian, je l’ai découvert après, est bien plus que la gentille dame sympa dont on nous a donné l’image à la télé. Foulard au cou, cheveux permanenté, allure classique, elle pourrait ressembler à beaucoup de nos grands-mères mais… Mais pas que. Très loin de là.
Danielle Mérian, c’est une révoltée de naissance.
Quand elle était gamine, elle s’était déjà rendue compte qu’on ne la traitait pas à égalité avec son frère, et ça l’a mise en colère. A la fin de la seconde guerre mondiale, elle fouille dans le bureau de son père, correspondant de guerre dans l’armée canadienne, et malgré son interdiction formelle de regarder, elle trouve les photos qu’il ne voulait surtout pas que ses enfants voient : celles qu’il a réalisées en entrant dans les camps de concentration nazis. Vous vous rappelez le traumatisme le jour où vous avez vu ces photos pour la première fois ? Moi j’étais ado, je ne m’en suis jamais remise, et c’était plus de 50 ans après.
Le choc de ces images sera déterminant dans le choix de sa carrière et de son engagement. Elle décide de consacrer sa vie à aimer son prochain et à agir par contraste avec ce qu’elle avait vu, à savoir que l’homme est un loup pour l’homme.
Elle est devenue avocate, s’est engagée dans des causes de défenses des plus faibles, des femmes notamment. Elle milite pour l’abolition de la torture, pour l’amélioration des conditions de détention, contre l’excision qu’elle a découvert à 75 ans, contre le mariage forcé, d’ailleurs elle a pris la présidence de l’association SOS Africaines en danger. A ce sujet, elle raconte avec beaucoup d’humour (oui, car Danielle Mérian est très drôle, je vous recommande très fort d’écouter son interview dans « Par Jupiter ») que lorsque les adhérentes ont décidé de se grouper, elles ont d’abord demandé au docteur Pierre Dutertre de prendre la tête de l’association. Ce dernier ayant fait part de sa perplexité, » Ces femmes viennent de créer les statuts de SOS Africaines en danger, elles me demandent d’être leur premier président, je suis un homme, c’est un groupe de femmes, c’est un petit peu surréaliste… « , elle lui répond du tac au tac : « Oui Pierre, c’est fou… Je prends votre place ! »
Danielle Mérian n’est pas qu’une grande bourgeoise avocate blanche féministe au-dessus des problèmes des femmes avec qui elle travaille.
Elle leur a dit : « Mesdames, l’honnêteté m’oblige à vous l’avouer : je suis née sous un régime d’esclavage. ». Vous imaginez la tête de ses interlocutrices qui ont fui leurs pays pour échapper à l’esclavage sexuel, aux mariages forcés ou à l’excision de leurs filles ? Qui sont venues en France pour conquérir leur liberté et même sauver leur vie ? Pourtant, c’est vrai.
Quand Danielle Mérian est née, la moitié des habitants de la France était interdite de participer à la vie de la nation, les femmes étant légalement considérées comme des mineures à vie. L’incapacité juridique de la femme mariée a été abolie en 1938 en France, ça durait depuis Napoléon. Mariée en 1961, Danielle Mérian devait obéissance à son mari, qui était le seul à détenir l’autorité parentale sur leurs enfants nés en 1962 et 1964. Elle en pensait quoi, Danielle ? « On est toujours dans un monde de fou! ».
Danielle Mérian n’a rien laissé passer, même pour ce qui semblait inutile à remettre en cause. » Je me suis toujours battue. Pour tout. J’ai rayé le mot « peur » de mon vocabulaire. Il ne faut pas avoir peur. » En 1964 après un déménagement elle descend à la banque ouvrir un compte, pour y verser son salaire, le banquier lui réclame l’autorisation maritale pour ce faire. « Vous ne la verrez jamais. Mon mari et moi sommes absolument opposés à cette loi. Vous savez Monsieur, c’est très simple : ou vous voulez mes sous, et vous m’ouvrez un compte, ou je traverse la rue et je vais chez votre concurrent. ». Elle a eu son compte en banque. En tant que jeune avocate, elle est effarée qu’on lui demande lors des entretiens pour intégrer un cabinet si elle sait cuisiner : « J’ai prêté serment pour plaider, pas pour vous cuire votre beefsteak le midi. ».
En février de cette année, elle a lancé une campagne pour lutter contre les mutilations sexuelles infligées aux femmes et aux filles en Afrique, le but étant de constituer une flotte de 10 bus dispensaires connectés qui circuleront dans 10 pays, avec des acteurs militants locaux qui soigneront les mamans et les fillettes, appuyés par une équipe de professionnels des réseaux sociaux. Ce seront des bus scolaires américains réformés qui seront achetés en lot puis transformés et médicalisés, pour faire reculer cette pratique inhumaine qu’est l’excision et toutes les conséquences dramatiques qu’elle entraîne sur la santé et la psychologie des victimes. Si vous voulez en savoir plus : https://www.gofundme.com/daniellemerian
Voilà .
Maintenant vous comprenez peut-être pourquoi j’ai énormément d’admiration pour Danielle Mérian, qui est bien plus que la gentille petite « mamie du web » que nous ont montré les journaux après le 13 novembre.
Je vous mets ci-dessous quelques liens, et si vous avez la chance d’être à Paris, elle sera vendredi 15 Juin en scène dans le cycle « En scène Simone » pour une conférence théâtralisée : « Autoportrait d’une féminitante, une rencontre avec Danielle Mérian ».
Vous je sais pas, mais moi, j’y serai.
Cordialement, bisous.
Les liens :
Danielle Mérian, 80 ans, toujours les mots justes
Danielle Mérian, communion sacrée
Le podcast « Veilles branches » de Nouvelles écoutes « Danielle Mérian, avocate et militante féministe »
Go Fund Me :
La collecte du projet des bus : https://www.gofundme.com/daniellemerian
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