« C’est quoi le mansplaining ? », ou comment j’ai cassé mon Twitter

 » T’inquiète Georgette, je vais t’expliquer le féminisme… »

 

 

Salut lectorat de moi,

 

L’autre jour sur mon compte Twitter, je suis tombée sur un message qui m’a un tantinet (franchement) énervée.

J’ai retweeté ledit message en disant que c’était un bel exemple de mansplaining : un homme expliquait aux femmes que pour ne plus avoir des règles douloureuses, il faut manger sain, combler ses carences et améliorer sa santé (wtf?), ce à quoi j’ai ricané qu’on était un peu connes de ne pas y avoir pensé avant, quelles gourdes !

Et là j’ai pas bien compris ce qui s’est passé, j’ai cassé Twitter.

Tout le monde s’est déchaîné sur le sujet, pour ou contre, et j’ai eu droit à des milliers de likes, de retweet, des messages, des débats, du soutien, des trucs drôles, mais aussi des insultes ordurières et autres menaces que j’ai dû bloquer (Je demande au passage pardon à ma mère qui a pu se sentir offusquée par de nombreuses accusations la concernant en tant que travailleuse du sexe, métier qu’elle n’a jamais exercé)(Laissez les mamans en dehors de vos histoires, bon sang!).

Mais alors, c’est quoi ce « mansplaining » qui a déclenché la furie de Twitter ?

Le mansplaining est un terme qui a été popularisé par l’écrivaine américaine Rebecca Solnit, qui a même écrit un essai sur le sujet : « Ces hommes qui m’expliquent la vie ». Elle l’illustre avec cette anecdote très très navrante.

Invitée dans un dîner chic où elle s’est rendue avec une amie, elles croisent un homme qui entame la conversation par : « Alors, il paraît que vous avez écrit un livre ou deux ? ». Il se trouve qu’elle en a déjà écrit 7, merci, et le dernier parle du photographe britannique Eadweard Muybridge.

Rebecca Solnit tente d’en parler et de partager ce qu’elle a appris sur cette grande figure de la photographie, ses fabuleux travaux sur la décomposition du mouvement, etc, mais son interlocuteur la coupe pour lui parler d’un ouvrage «très important», qu’elle doit absolument consulter pour creuser le sujet. Malgré les tentatives d’intervention de Rebecca et son amie, ce monsieur continue à parler et passera à la postérité en tant que grand imbécile : le livre très important dont il parle, c’est justement celui de Rebecca Solnit. Qu’il n’a visiblement pas lu, en fait. Oups.

Cette scène est devenue emblématique d’une notion : le mansplaining.  Il est défini comme une tendance masculine à vouloir expliquer à une femme ce qu’elle sait déjà, généralement avec une certaine condescendance. Vous serez ravis d’apprendre qu’on l’a traduit en France par « mecsplication » et au Canada par « pénisplication » (les Canadiens sont des gens fantastiques, pénisplication m’a fait ricaner bêtement pendant 10 minutes).

La plupart de ceux qui le font ne s’en rendent même pas compte, j’ai moi-même appris ce concept assez récemment, et ça m’a frappée parce que ça correspond à des tas de situations déjà observées.

Je travaille notamment dans le monde de la science, et j’ai pas mal de chercheuses frustrées qu’on écoute toujours mieux leurs collègues masculins. L’une d’elles m’a raconté qu’un chercheur avait jeté un œil au poster où elle montrait ses derniers travaux, entrepris aussitôt de lui expliquer un tas de choses, un troisième larron s’est incrusté, ils ont commencé à parler tous les deux du sujet comme si elle n’était pas là, et ont fini par lui recommander de lire une publication scientifique très intéressante pour améliorer ses travaux. Ce à quoi elle a pu répondre avec acidité qu’elle était au courant, merci, vu qu’elle était la signataire principale de la dite publication. Oups. Ha ben oui là encore c’est la boulette…

Ces moments ne sont pas forcément traumatisants, mais ils mettent en scène des hommes qui partent du principe qu’ils comptent et pas les femmes, qu’ils doivent remplir l’espace de la conversation et pas elles, que la connaissance est, d’une certaine manière, attachée au genre masculin comme l’ignorance est attachée au genre féminin. Je pense que les mots qu’on utilise ont une grande importance, la parole aussi, et la façon de la prendre ou la laisser aux autres n’est pas anodine.

Est-ce qu’il faut vraiment utiliser ce terme de mansplaining, que certains hommes prennent comme une agression ? Il n’est jamais agréable d’être remis en cause ou accusé d’un comportement déplaisant dont on n’a même pas conscience, et à en juger par la quantité d’ordures que j’ai reçu sur Twitter, ça irrite visiblement du monde.

Je vais relaisser la parole à Rebecca Solnit : « J’hésitais toujours à en faire usage, une jeune étudiante à l’université de Berkeley m’a fait remarquer que ce mot était important, voire précieux, parce qu’il permettait de nommer une expérience qu’elle – comme beaucoup d’autres – avait connue. Nommer, identifier ce phénomène permet de comprendre que c’est un schéma, un syndrome, pas seulement une expérience personnelle malheureuse. Diagnostiquer un mal est la première étape nécessaire pour commencer à l’endiguer. Je suis heureuse d’y avoir contribué. Désormais je valide le terme – quand il est employé à bon escient, bien sûr -, sans toutefois l’utiliser souvent. »

Voilà, il y aurait encore un million de chose à dire à ce sujet, mais je vais m’arrêter ici. J’espère que ça fera réfléchir mes 17 lecteurs et demi, et que peut-être on fera plus attention dans les conversations à laisser un vrai espace aux femmes sans les prendre d’office pour des ignorantes ou les interrompre. Qu’est-ce que vous voulez, je vis toujours dans ma tête dans un monde de petit poney à paillettes en espérant que le dialogue et les débats polis vont changer le monde (haha)(j’ai un optimisme sans limite).

Je vous mets quelques liens si vous voulez en savoir plus. N’hésitez pas à me laisser vos questions ou vos anecdotes sur le Twitter ou Facebook de Minute Simone, ou ci-dessous dans les commentaires. Que vous soyez d’accord ou pas, je serai ravie d’en discuter avec vous. Mais restez polis et laissez ma mère tranquille, s’il vous plaît :p

Cordialement, bisous.

 

Les liens :

France Inter : Vidéo « Manterrupting » : quand les hommes ne peuvent s’empêcher d’interrompre les femmes

Libération : Mansplaining : «Les mots sont liés au pouvoir»

Les Glorieuses : Les mecsplications, vous connaissez ?

 

 

 

Photo d’illustration de l’article : Rembrandt – The Mennonite Minister Cornelis Claesz. Anslo in Conversation with his Wife, Aaltje (detail). Licence Creative Commons.

6 thoughts on “« C’est quoi le mansplaining ? », ou comment j’ai cassé mon Twitter

  1. Bordel de chiottes motherfuckurisées!!!!

    Ouais!!!!

    Les vieux démons primitifs et bestiaux du mâle. Et suivant son taux testostérone il fera la même chose avec tout personne jugée inférieure.

    En tant que 1/2 lecteur, mâle de surcroit je n’ose plus rien dire à personne de peur de….

    1. Mais non, le but n’est pas de plus rien dire, c’est d’avoir des conversations où chacun respecte la parole de l’autre de façon constructive 🙂

  2. Le terme m’était encore inconnu, mais le comportement bien connu.
    En revanche, ça me dérange d’attribuer cette palme à seul un genre (via cette expression), c’est un comportement commun aux deux genres, pour une fois qu’il y a parité…
    Nous connaissons tous des gens, qui à les écouter, sont plus vieux que leur grands parents.
    Et le type qui explique à une femme comment rendre ses règles moins douloureuses, à moins qu’il soit diplômé d’école de médecine, c’est ce qu’on peut appeler un imbécile.

    1. Il y a en effet des gens qui savent toujours tout mieux que tout le monde, quel que soit le sexe, le genre, l’âge, la catégorie socio-professionnelle, la nationalité, l’âge du capitaine et la taille de son caleçon… on en connaît tous ! Mais il est vrai aussi que c’est plus courant de la part de certaines hommes envers les femmes de leur entourage et qu’ils ne s’en rendent même plus compte, alors ça vaut le coup de se poser la question ?

  3. Alors, si j’étais ce genre de mec, je te dirais qu’il y a un blog pas mal que tu devrais lire. Il parle de trucs qui devraient t’intéresser genre, des femmes peintres, et des trucs de féminisme. Ça s’appelle « la minute de Simon » il me semble 😉

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