Salut à toi ô lectorat,
Je reviens après une pause due à la crève de l’enfer qui m’a bien occupée. Tous mes sinus, narines et autres étaient tellement bouchés que mon cerveau n’était plus oxygéné, et il est à craindre que les dommages soient irréversibles. Déjà que c’était pas brillant avant…
Mais cela ne m’empêchera pas pour autant d’aller dans le froid marcher le 24 novembre contre les violences sexuelles et sexistes ! Je vous ai déjà expliqué pourquoi j’y vais alors que le militantisme, en particulier défilant, n’était pas trop mon dada. C’est tout bientôt, ce samedi. Je suis à la fois assez enthousiaste et un peu découragée. Je vous explique.
Le danger dans mon engagement actuel est le suivant : je suis dans un collectif et je milite à mon échelle sur les réseaux sociaux, sur mon blog, dans mon entourage. Du coup j’ai l’impression que la terre entière devrait être aussi renseignée que moi, et avoir ouvert les yeux sur les choses que tu ne peux plus ignorer, quand on t’a mis les chiffres ou les témoignages sous le nez. Et devinez quoi ? Ça n’est pas du tout le cas, évidemment. Voire tu réalises qu’absolument tout le monde s’en fout à part toi, ta mère, tes potes militantes et quelques amis à l’écoute. Ce qui, je ne vous le cache pas, est assez déprimant.
Quand j’entends ou lis des gens, y compris mes proches, sortir des énormités grosses comme eux sur des sujets que j’ai personnellement déconstruits dans ma tête, sur lesquels j’ai acquis des connaissances, et qu’ils piétinent allégrement de leur ignorance qui s’ignore, ça m’énerve. J’ai envie de les secouer comme des pruniers en demandant comment ils peuvent sortir des conneries pareilles, en oubliant un peu vite que moi-même j’en étais au même point il y a encore peu de temps. Ça doit être ce qu’on appelle la foi du nouveau converti : je voudrais que tout le monde ait les mêmes connaissances et partage mes vues, évidemment (spoiler : ça ne marche pas comme ça).
Alors avant samedi et cette grande marche, enfin que j’espère grande, contre les violences sexuelles et sexistes, je voudrais vous rappeler quelques chiffres :
Entre 2010 et 2012, 83 000 femmes sont victimes de viols ou tentatives de viols par an (0,5% des femmes). 83% d’entre elles connaissent leur agresseur :
-31% des auteurs sont connus mais ne font pas partie du ménage de la victime ;
-31% des auteurs sont les conjoints vivant avec la victime au moment des faits ;
–21% des auteurs font partie du ménage mais ne sont pas le conjoint ;
–17% des auteurs sont inconnu de la victime.
11% des victimes seulement portent plainte, et 13% déposent une main courante.
Sources : Insee-ONDRP, enquête « Cadre de vie et sécurité » de 2010 à 2012. Retraitements par la MIPROF (2013) in Chiffres Clés 2014 Vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et La lettre de l’Observatoire des violences faites aux femmes n°1 nov. 2013.
En rapportant cette proportion au poids total de cette catégorie dans la population française, l’ONDRP (Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales) estime que 154.000 femmes ont été victimes de viol ou d’une tentative de viol en 2010-2011, soit en moyenne 77.000 par an.
Entre 2006 et 2011, 168.000 femmes ont été victimes de viol ou de tentative de viol sur deux ans en moyenne.
Soit 84.000 sur un an, ou 230 par jour, 9,5 par heure, ou une femme toutes les 6,3 minutes.
Une femme toute les 6,3 minutes, et parmi elles seulement 11% porteront plainte. Les procédures sont très longues, coûteuses, moralement éprouvantes, et donnent rarement des résultats : moins de 2% des affaires de viols aboutissent à une condamnation en cour d’assises. Dans la loi française, le viol est pourtant un crime et la peine d’un violeur peut aller jusqu’à 15 ans de prison.
Moins de 2%. Sérieusement…
MOINS DE 2% !!! Vous, je ne sais pas, mais ça me rend zinzin de lire des chiffres comme ça. Imaginez une fraction de seconde si ça concernait un autre crime ou un autre délit. Je ne sais pas, le vol de voiture.
Si on vous disait que 84000 bagnoles disparaissent chaque année en France ? Forcément, vous connaissez tous une ou plusieurs personnes à qui on a volé leur caisse, voire on vous a piqué la vôtre. On dirait que seulement 11% des automobilistes spoliés portent plainte, que les autres n’iront même pas au commissariat vu la pauvreté de l’accueil et des procédures, et qu’ensuite sur ces 11% seuls 2% voient retrouver leurs voleurs qui seront condamnés au tribunal… Mon petit doigt me dit que bizarrement on aurait déjà déclenché la révolution dehors dans la rue pour que l’État donne beaucoup plus de moyens à la magistrature et à la police, et qu’on retrouve toutes ces voitures disparues en pendant haut et court les criminels.
Et pour les victimes de violences sexuelles, femmes, hommes, et aussi et surtout enfants ? Ha non, non pas trop, là, tout le monde s’en fout en fait. Et là je vous parle uniquement du viol, on n’a même pas abordé les agressions sexuelles, le harcèlement sexuel, le harcèlement de rue, les violences sur mineurs, l’inceste, etc. On pourrait y passer la journée. Je vais plutôt vous inciter à aller lire les quelques articles en bas de la page si vous avez envie d’en savoir plus sur ces chiffres, et de comprendre ce qui débloque dans notre société et notre système judiciaire actuellement.
Ça me met tellement en colère quand je vois ça et que je réalise l’indifférence générale, je pourrais en pleurer de rage. J’espère vraiment qu’il y aura du monde samedi, même s’il ne fait pas très beau, même si les gilets jaunes ont décidé subitement de s’installer place de la Concorde (en expliquant qu’on est bien gentilles avec notre manif mais qu’ils ont des priorités plus importantes)(oui ça aussi je suis très très colère).
Il faut vraiment que la situation change, et je vous invite fortement à venir marcher samedi pour réclamer ce changement. Parce que ces violences sexuelles et sexistes ne sont pas une fatalité, parce qu’il faut montrer qu’on ne veut plus les tolérer, parce qu’il faut que la société et l’état s’investissent, et pour que les victimes ne se sentent plus seules.
Vous n’aimeriez pas qu’on pique votre bagnole et que tout le monde s’en contrefoute ? Je n’aime pas qu’on viole mes amies et que tout le monde s’en contrefoute non plus.
Cordialement, bisous,
Simone, qui fourbit sa pancarte pour samedi
Repères statistiques du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes
Un article qui date de 2012 mais explique bien la difficulté d’obtenir des chiffres fiables et comment ils sont minimisés : «75.000 viols par an»: comment sait-on combien de femmes sont victimes de viol en France?
En France, moins de 2% des affaires de viols aboutissent à une condamnation en cour d’assises
Et bien sûr je vous remets la page de la marche du 24 novembre contre les violences sexuelles et sexistes, et son événement facebook .
PS : pour ceux qui brailleraient sur les voitures, j’ai vérifié. D’après les statistiques recueillies auprès de 15 assureurs majeurs (parc de 20 millions d’autos), en 2015 ont été déposées 108.304 plaintes pour vol. Oui, ça fait plus que 88.000. Mais vous savez quoi ? Bizarrement, tout le monde porte plainte et pas 11% des victimes seulement…
One thought on “Toutes les 6,3 minutes : les chiffres qui font mal avant samedi. #noustoutes”