C’est une accusation qui revient souvent : les féministes actuelles, dites également les néo-féministes, sont devenues trop agressives par rapport à celles qui les ont précédées et savaient se faire entendre sans être aussi violentes. Elles.
Laissez-moi vous raconter une anecdote !
Le 11 avril 1913, des suffragettes emmenées par Emmeline Pankhurst se pointent au salon de thé très huppé du Neville Ground Cricket Club. Elles demandent à entrer, on leur rit au nez en leur expliquant que oui oui, c’est ça bien sûr, les femmes sont autorisées dans le club : elles n’ont qu’à mettre un tablier et servir le thé à ces messieurs, là oui, elles peuvent rentrer.
Quelques hurlements et allumettes plus tard, j’en connais qui ont dû nettement moins ricaner :
Donc premier point : non, les féministes d’avant n’étaient pas douces et non-violentes. Les suffragettes, pour en revenir à elles, ont clairement appelé à la désobéissance civile et lancé des actions inouïes : elles s’enchaînaient aux grilles du Parlement, multipliaient les manifestations interdites, attaquaient des vitrines de magasin, mettaient le feu aux boîtes aux lettres, pratiquaient le self-defense pour dérouiller les flics en manif et brûlaient des bâtiments publics.
Du coup… Comment vous dire… les féministes d’avant n’étaient pas agressives ou violentes, elles… ahem… Un léger doute m’étreint.
Enchaînons donc : les féministes actuelles, également qualifiées de « néo-féministes guerrières », sont-elles trop violentes ?
D’un côté on a des chiffres effroyables, des chiffres officiels, je ne les invente pas : chaque année 90.000 adultes (90% de femmes) sont victimes de viol, avec un taux de condamnation des violeurs (96% d’hommes) aux assises qui est en-dessous de 2% ; vous ajoutez 130.000 mineures et 35.000 mineurs victimes de viol ou tentative avec moins de 11 ans en moyenne au moment des premiers faits (MOINS DE 11 ANS, je l’écris en gros au cas où ça ne percuterait pas bien), 230.000 victimes de violences conjugales, 150 femmes assassinées par leur conjoint ou ex-conjoint en 2019.
De l’autre côté, on a des lettres collées sur les murs, des slogans sur des banderoles, des débats sur internet pour interpeller l’opinion et les médias sur des situations inacceptables, des comptes sur les réseaux sociaux qui sensibilisent aux discriminations, et des manifestations pacifiques. La radicalité tant reprochée aux « néoféministes guerrières » se limite à crier leur volonté de changer un système de société injuste et discriminant.
Des centaines de milliers de victimes. Une parole forte qui réclame que ça s’arrête.
Elle se situe de quel côté au juste, la violence ?
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