5 femmes peintres – la suite

Salut les loulous,

 

Je reviens après une petite semaine d’absence, due à un déplacement en Irlande où j’ai fait un peu semblant de travailler et bu de la Guiness et trop mangé pour les 10 ans à venir (haaaa le seafood chowder!!!). Malgré l’extinction totale de mes neurones, toute mon énergie étant mobilisée par la digestion d’une quantité de nourriture trois fois supérieure à ma moyenne, j’ai décidé de poursuivre notre culture commune sur les femmes peintres comme promis.

Comme la dernière fois c’est un peu long, vous pouvez le lire en plusieurs fois.

 

 

Blanche Hoschedé

Madame Kuroki, Claude Monet (1840-1926), Alice Butler (1894-1949), Blanche Hoschedé-Monet et Georges Clemenceau (1841-1929) dans les jardins de Giverny. © Musée Marmottan Monet, Paris / Bridgeman Images

Il y en a qui partent quand même plus ou moins facilement pour une pratique artistique, et Blanche a eu une grosse chance dès le début. Ou peut-être pas. On ne sait pas trop si ce fut un bien ou un mal mais le fait est : Blanche Hoschedé est la belle-fille de Claude Monet. Il épouse la mère de Blanche en 1892, et ses filles d’un précédent mariage vont souvent servir de modèles au grand peintre.

Dotée d’un sacré talent, Blanche va peu à peu devenir la disciple et l’élève de Monet ; en fait c’est la seule personne dont il tolère la présence à ses côtés. Elle l’accompagne sur le lieu de son travail, plante son propre chevalet à côté du sien, mais ne peint jamais le même motif que lui. «Regarde la nature et peins ce que tu vois, comme tu peux», lui dit-il.

Elle peint plus pour son plaisir que pour faire une carrière, mais exposera néanmoins avec succès ses œuvres à plusieurs reprises. Si son œuvre est restée quasi confidentielle, c’est parce que Blanche était une personne d’une grande discrétion et qu’elle n’a jamais cherché à se faire connaître.

 

Elle épouse Jean Monet, le fils de Claude, part vivre à Rouen avec lui, où elle présente régulièrement ses œuvres à la société locale des Beaux-Arts. Après le décès de Jean en 1911, elle s’installe à Giverny auprès de son beau-père, très affecté par la perte successive de sa femme et son fils, et fait pour lui un grand sacrifice, celui de renoncer à la peinture. D’une part, elle sent que Monet déteste l’idée de faire école, de l’autre elle est trop absorbée par sa tâche de maîtresse de maison. Elle est de ces femmes qui vivent toute leur vie dans l’ombre des hommes, situation banale à la fin du 19e siècle.

Après la mort de Monet en 1926, elle reste à Giverny et, à la surprise générale, elle ne tarde pas à reprendre ses pinceaux. Se libérant de la tradition impressionniste, elle s’empare de sujets variés : Giverny, le jardin et le bassin de Monet surtout, mais aussi des petits voyages, la Vendée chez Georges Clémenceau, la côte d’Azur, l’Italie, etc. Le plus souvent, Blanche travaille à l’extérieur, en contact direct avec la nature ; elle décline aussi toute une production de peintures de fleurs et de natures mortes, imprimant à son art au fil du temps un caractère plus personnel.

Outre son travail de peintre, Blanche Hoschedé a joué un rôle essentiel dans la conservation des jardins de Giverny, source essentielle de l’inspiration de Monet :  elle met tous ses soins à leur préservation, en particulier lors de l’occupation de Giverny par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est grâce à elle qu’on peut aujourd’hui encore s’y promener ! Alors, hein, on dit merci qui ?

 

(Merci Claire qui m’a fait découvrir Blanche dont j’ignorais jusqu’à l’existence, ce qui était bien triste!!!).

 

 

Mary Cassat

 

Après s’être installée à Paris dans les années 1860, à seulement 22 ans et contre l’avis de ses parents pour étudier la peinture (un métier de perdition, bon sang!), Mary Cassatt rejoint le cercle des impressionnistes français.

Elle est chapeautée par Edgar Degas, qui l’intègre à leur groupe où elle subit cependant les foudres du peintre, plutôt misanthrope et pas toujours trop trop sympa. La preuve : « Je ne peux pas croire qu’une femme dessine aussi bien!  » lance-t-il en 1892, décontenancé par son talent. Ben merci ça a dû lui faire bien plaisir à Mary. C’est pas beau d’être jaloux comme ça, tsss…

La très ambitieuse Mary s’assoit allégrement sur l’opinion du peintre et des autres ronchons. Elle aspire à « être une Michel-Ange au féminin » et a la certitude que ses toiles seront exposées dans les musées aux côtés des plus grands artistes (elle a raisooooon!). Pour elle, la femme est intelligente, en contemplation et en harmonie avec le monde, forte, confiante, et elle peint l’image des femmes qu’elle souhaite projeter. Pas de nunuche et de mièvrerie dans ses portraits.

 

Dans son œuvre comme dans sa vie, elle est un modèle d’émancipation, une personne extrêmement autonome. Après la dernière exposition du groupe des impressionnistes, en 1886, elle se spécialise dans les portraits de mères et d’enfants. C’est franchement risqué pour une femme qui ne veut pas elle-même se marier et avoir d’enfants, les critiques sont prêts à lui tomber dessus, mais elle y confirme sa liberté de ton et son talent. Elle a un coup de foudre pour l’art japonais de l’ukiyo-e, « image du monde flottant », qui influencera sa maturité artistique, ses dessins, gravures et peintures.

Au-delà de son propre travail de peintre, l’un des grands apports de Mary Cassatt est d’avoir fait la promotion de l’impressionnisme aux États-Unis, où le mouvement a eu un impact plus durable sur le public et les collectionneurs qu’en France. Là-bas, elle est une célébrité de son vivant, et organise même une exposition personnelle pour collecter des fonds pour le mouvement des suffragettes.

« Le message qu’elle envoyait », pour Nancy Mowll Mathews, « était qu’en 1915 les hommes et les femmes étaient égaux et ensemble les héritiers du grand art du passé. »

 

PS : y a une chouette expo en ce moment au musée Jacquemart-André à Paris sur Mary Cassat!

 

Suzanne Valladon

 

Suzanne Valadon est née sous le nom de Marie-Clémentine Valade le 23 septembre 1865. Rien ne la destinait trop à la peinture, à priori. Dans son enfance, elle mène une joyeuse vie de bohème avec sa mère Madeleine, qui décide quand Suzanne est adolescente de venir s’établir à Montmartre.

Suzanne devient acrobate dans un cirque, mais ses ambitions de scène sont coupées net par une mauvaise chute. Ballot pour le cirque, mais pas pour l’histoire de l’art ! Comme elle écluse les bars du quartier faute d’occupation, elle est repérée par les peintres du coin, qui remarquent sa beauté et l’engagent comme modèle. Bientôt, elle va poser pour des grands artistes comme Puvis de Chavanne, Renoir, Degas, Toulouse-Lautrec, etc.

Pendant qu’elle pose, Suzanne observe chaque artiste qu’elle rencontre et sa méthode, et elle gribouille dans son coin. Encouragée par Degas qui admire la qualité de ses dessins, elle décide de se lancer à son tour. Elle commence alors à produire ses propres œuvres et s’essaie à la technique sanguine, à celle du fusain, etc. En 1883, elle donne naissance à son fils unique, le futur peintre lui aussi (comme sa maman!) Maurice Utrillo.

En 1894, cinq toiles de Suzanne Valadon sont présentées à la Galerie Nationale des Beaux arts, faisant d’elle la première femme à accéder à ce temple réservé jusque là aux hommes. Elle  exécute de nombreuses œuvres, dont des nus, des portraits, des natures mortes. Elle s’entoure des plus grands comme Pablo Picasso ou André Derain. Ses toiles attirent un nombre croissant de passionnés.

La boite à violon, Suzanne Valadon

Sa grande exposition de 1920 est encensée par la presse et un large public, et sa notoriété va aller croissant. Elle en vient à parcourir la Hollande ou New-York pour des expositions consacrées à ses œuvres et celles de son fils, souvent montrées ensemble.

A partir de 1933 elle cessera peu à peu de peindre, rongée par le diabète et l’urémie. Elle disparaît le 7 Avril 1937, à 73 ans, après que l’État lui ait acheté ses œuvres les plus marquantes pour une somme importante.

Tamara de Lempicka

Née en Pologne en 1898, elle a grandi en Russie, vécu à Paris, aux Etats-Unis, est morte au Mexique en 1980 (c’est pas si loin, hein 1980?). Tamara de Lempicka, qui a peint les femmes modernes et indépendantes de son temps, a été une icône de l’art déco.

Elle fuit la Russie au moment de la Révolution d’octobre, passe les années folles à Paris, où elle commence alors avec beaucoup de ténacité une carrière de peintre, et deviendra une des artistes emblématiques de cette période puis de l’entre-deux guerres.
Après les courbes et les décors végétaux de l’art nouveau, elle revient à une peinture plus sobre, plus géométrique : c’est l’art déco. Elle représente des personnages sculpturaux, utilise des couleurs vives et peu nombreuses, bleu, rouge, jaune.
Elle s’affiche comme une artiste moderne et émancipée, ne cache pas son goût pour les femmes, tout en refusant les tenues masculines de certaines et en jouant tout le temps l’ambiguïté ; elle a été mariée au comte Tadeusz Lempicki, puis au baron Raoul Kuffner. C’est une artiste complète qui sait se mettre en scène et jouer de sa renommée pour vendre ses œuvres.
En 1939, elle fuit le chaos en Europe et s’installe aux Etats-Unis où elle arrive à exposer plusieurs fois avec un certain succès. Après-guerre, son œuvre tombe dans un profond oubli jusqu’à ce que la redécouverte de l’Art déco, dans les années 1970, fasse enfin ressurgir son nom pour lui rendre la place qu’elle mérite au panthéon des femmes artistes.

 

Frida Kalho

 

Copyright: Nickolas Muray – Frida Kahlo

Haaaaaa Frida, Frida! Je pourrais vous en parler pendant des heures et des heures, c’est une de mes artistes préférées, je vais essayer de rester concise mais c’est pas gagné… 😀

 

La poliomyélite à l’âge de 6 ans puis un terrible accident d’autobus ont longtemps cloué Frida au lit. Elle finit par marcher de nouveau, mais pas toujours sans difficulté, et devra subir de très nombreuses interventions chirurgicales durant sa vie, restant souvent couchée dans son lit d’hôpital. C’est donc là qu’elle peindra une grande partie de son œuvre, les auto-portraits à l’aide de miroirs fixés au cadre de lit, parmi les 150 peintures qu’elle accomplira dans sa vie.

Elle décide dès son jeune âge, qu’elle ne veut pas suivre le même parcours que les autres femmes. Elle a un désir de voyage, d’étudier, elle veut la liberté et le plaisir.  Elle s’engage dans le parti communiste mexicain, dans un pays encore trouble et instable, pour s’occuper de l’émancipation de la femme.

Frida rencontre son grand amour, le célèbre peintre Diego Rivera, plus âgé de 20 ans, déjà très célèbre ; ils ont un coup de foudre mutuel et vont vivre des années de passion, entretenant un rapport compliqué d’amour, d’admiration, d’adultères, de réconciliations et de colères sans fin.

En automne 1938, Frida présente ses œuvres dans sa première exposition individuelle, dans la galerie Julien Levy à New-York, où elle rencontre un franc succès. L’année d’après elle vient à Paris où elle rencontre de nombreux peintres surréalistes parisiens, sans vouloir se rattacher à eux.

Contemporaine des surréalistes, elle n’a jamais voulu adhérer à ce mouvement et s’en est toujours défendue. Elle peint ses sentiments, ses douleurs, sa vie, pas de fiction ou de rêve dans ses toiles. On ne peut pas comprendre son œuvre sans connaître sa vie et ses nombreux combats et paradoxes : issue de la classe bourgeoise mais militante au parti communiste, féministe convaincue dans un pays machiste, nationaliste fière de ses origines qui sont dépeintes tout au long de ses toiles. C’est une passionnée de la peinture, de la vie malgré les douleurs, un tempérament hors du commun et elle s’est toujours battue pour avancer dans sa passion artistique.

 

Les deux Fridas

 

Après son passage à Paris elle rentre au Mexique, divorce d’avec Diego (il la trompait avec sa sœur, ça fait désordre), est opérée et suit un lourd traitement, se remarie un an plus tard toujours avec Diego. Son activité artistique est parfois réduite malgré elle à cause de ces nombreux déboires et autres problèmes médicaux, mais elle s’acharne.

Au fur et à mesure du temps, sa santé se dégrade, et ses douleurs au dos deviennent intolérables. Elle subit sept opérations successives de la colonne vertébrale, avec une convalescence de 9 mois qui manquera de la rendre folle. Malgré son handicap, elle continue de peindre et de militer, jusqu’à assister en 1953 à ce qu’elle désirait plus que tout : une exposition individuelle de ses œuvres dans son propre pays, où on doit l’amener couchée sur son lit. Elle meurt le 13 juillet 1954, et est incinérée, suite à sa volonté :  » Même dans un cercueil, je ne veux plus jamais rester couchée !  » .

 

 

 

Voilààààààà c’était encore un article beaucoup trop long mais c’est pas grave, moi j’ai appris des choses pendant mes recherches pour vous l’écrire. Je ferai peut-être un troisième volet parce qu’il y a encore des artistes dont je voulais vous parler, mais je ne veux pas vous assommer.

Cordialement, bisous !

 

 

4 thoughts on “5 femmes peintres – la suite

    1. Ha, tant mieux, j’ai toujours peur de faire des textes beaucoup trop longs et que ça rase mon bien-aimé lectorat ^^

  1. Non non. Pas trop long. Perso je n’osais rien dire. Seule Tamara Lempicka m’intéresse, ça me semble plus proche de l’illustration que de la peinture. Son style m’évoque par certains côtés celui de J. Kirby 15-20 ans plus tard en BD, je ne sais pas pourquoi en fait.

    Perso quand je regarde ou écoute une oeuvre ce qui m’attire ce sont les innovations (en fonction de l’époque) et toute les complexités que l’on peut percevoir peu à peu avec la partition ou à force d’écoutes, de contemplations ou lectures. Je me fiche totalement de savoir si c’est un homme ou une femme. Bref, je trouve l’article interessant mais pas les oeuvres, sauf celle de Tamara! Voilà.

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